« Les installateurs, la formation et la thermique seront au cœur de mon mandat »
Technic’baie : Quand êtes-vous arrivé dans le monde des stores et de la fermeture ?
Philippe Séas : À la naissance ! Mes parents ont quitté la Touraine pour la région parisienne pour créer, dans leur « salon» de Rueil-Malmaison (92), une entreprise de pose de stores, de rideaux et de voilages. Mon enfance et mon adolescence ont été rythmées par les poseurs qui allaient et venaient, mon père qui faisait les métrés et ma mère qui gérait l’administratif et la comptabilité. L’été, mes jobs d’étudiant consistaient à poser les stores avec les installateurs de l’entreprise familiale.
Technic’baie : Vous avez donc rejoint le métier après vos études ?
P. S.: À 17 ans, je savais déjà que je voulais travailler avec mon père. Je suis rentré dans l’entreprise après un bac électrotechnique et un DUT en technique de commercialisation. J’ai commencé à épauler mon père comme technico-commercial et ai pris petit à petit les rênes au fil des années. J’ai commencé en septembre 1989. Et puis nous nous retrouvons en 2023 et je suis toujours là !
Technic’baie : Vous êtes resté spécialisé dans les stores ?
P. S. : Oui, nous nous sommes concentrés sur les stores et les volets roulants. Au début des années 1990, nous avons racheté PSP, une petite structure spécialisée dans la fenêtre. D’une entreprise d’une douzaine de personnes, nous sommes passés à 48 aujourd’hui, toujours sur la base du même bâtiment – même si les locaux se sont bien agrandis. Certains collaborateurs ont aujourd’hui leur bureau dans mon ancienne chambre ! Désormais, nous rayonnons sur l’Île-de-France avec trois branches : les grands comptes (ministères, mairies, grands groupes…), notre activité initiale, les particuliers dans les communes limitrophes de Rueil-Malmaison et les chantiers neufs.
Technic’baie : L’adhésion au SNFPSA – ancien nom du Groupement Actibaie – s’est imposée d’elle-même ?
P. S. : Sans doute, oui. C’était à l’époque un syndicat assez petit, qui réunissait quelques storistes. Mon père faisait partie du conseil d’administration, j’y assistais comme invité. Au début des années 2000, je suis devenu membre du CA et ai rapidement été nommé trésorier sous la présidence de Claude Guez.
« Le syndicat doit construire avec les fabricants, il doit être la référence. »
Technic’baie : Pourquoi s’impliquer dans un syndicat professionnel ?
P. S. : Parce qu’on y travaille pour les autres, pour les accompagner au quotidien. On découvre une vraie diversité du secteur, en côtoyant les diverses branches du syndicat. On y croise des métiers adjacents au nôtre, finalement jamais très loin même s’il y a parfois des problématiques différentes. Et puis c’est intéressant intellectuellement, cela nous permet d’aller plus loin que notre pré carré. Néanmoins, cela demande du temps, que l’on soit membre du bureau ou investi dans les groupes de travail. C’est valeureux et pertinent.
Technic’baie : Vous arrivez après trois présidences bien distinctes…
P. S. : Le syndicat a largement évolué en 24 ans. Les quatre présidences de Claude Guez l’ont transformé et fait rayonné. Bruno Blin l’a réinvesti en tant qu’installateur et Yannick Michon l’a encore redéveloppé. C’est intéressant qu’il y ait eu cette alternance entre fabricants et installateurs selon les présidents. Nous avons chacun notre dynamique propre.
Technic’baie : Et maintenant vous êtes président depuis le 16 mai dernier. Pourquoi vous être présenté ?
P. S. : J'y réfléchissais depuis un certain temps mais je voulais m'assurer de ma disponibilité. C’est un poste qui prend du temps. Pour ma part, j’ai la chance d’avoir structuré mon entreprise avec du monde autour de moi car je ne sais pas travailler seul ! Je pense notamment à mon directeur général et ami François-Xavier Johannet. Ainsi, je suis de moins en moins dans l’opérationnel et peux me dégager du temps pour cette nouvelle fonction. Cela ajouté à mon implication dans le syndicat depuis 23 ans maintenant, à ma connaissance du groupement et à mon intérêt pour les échanges… C’était le moment de franchir cette marche supplémentaire.
Technic’baie : Quel est, selon vous, le rôle du groupement ?
P. S. : J’en distinguerais quatre. D’abord, il y a tout ce qui est normalisation, défense de la qualité technique de la mise en œuvre. Il ne faut pas oublier que nous sommes un syndicat émanant de la FFB, pour qui la mise en œuvre est au cœur des problématiques. D’autant plus que les fabricants ont tout intérêt à ce que leurs produits, quelles que soient leurs qualités, puissent être mis en œuvre dans les règles de l’art. L’aspect « épaulement normatif » du syndicat veille justement à ce que ça ne soit pas non plus des freins pour nos métiers.
Ensuite, le syndicat doit être le porte-parole de nos différentes branches auprès des institutions. Grâce à notre rapprochement avec des spécialistes des rela[1]tions publiques, c’est déjà le cas auprès des instances gouvernementales, députés ou sénateurs. On ne réussit pas toujours à faire passer nos messages, mais nous avons des réussites. Je ne citerais qu’un exemple, avec la TVA réduite à 5,5 % en fonction d’un ΔR pour les volets roulants. Et puis il ne faut pas oublier, même si les moyens sont limités, que le Groupement Actibaie participe à faire connaître nos métiers auprès du grand public.
Les dates clés
3 juin 1966 : naissance en région parisienne
1961 : création de Stores SEAS
1991 : Acquisition de Fenêtres PSP
2000 : Élu au CA du SNFPSA, ancienne appellation du Groupement Actibaie
2023 : Élu président du Groupement
Technic’baie : Quel est le quatrième point ?
P. S. : Je l’ai évoqué très rapidement ci-dessus, c’est l’idée d’épauler nos membres, qu’ils soient industriels ou installateurs, même si malheureusement les installateurs font moins appel à nous. La mise en place de la REP est un exemple parfait. Le syndicat doit être auprès des professionnels pour les aider à comprendre ou à mettre en place les nouvelles obligations ou normalisations. Je pense également à la création, sous l’initiative du groupement, alors SNFPSA, de FDES mutualisées et génériques. Avant cela, chaque fabricant devait faire ses propres fiches. Désormais, aucune marque n’est mise de côté sous prétexte qu’il n’a pas de FDES. Le syndicat doit construire avec les fabricants, il doit être la référence. Et ce d’autant plus qu’il n’a pas d’intérêt économique. Sa voix est donc évidente, essentielle et nécessaire.
Technic’baie : Quelles seront les priorités de votre mandat ?
P. S. : Je souhaite refaire connaître le groupement auprès des installateurs. Nous sommes censés en représenter 2 500 à travers la France. Mais étant rattachés au syndicat par le biais de leur antenne régionale de la FFB, certains d’entre eux ne savent même pas qu’ils sont adhérents chez nous. C’est un vrai problème. Nous devons redéfinir quels sont les points d’intérêt pour les installateurs. Il faut leur parler formation, leur montrer les outils comme Caleepso qui permet de valoriser les métiers du store et des volets, leur rappeler la mise en place de la formation Smart Solar Shading par Es-so, le syndicat européen du store. Il faut leur tendre la main et leur demander ce dont ils ont besoin.
Technic’baie : À quoi pensez-vous ensuite ?
P. S. : Il faut renforcer le fil rouge de la thermique. C’est une évidence avec la RE 2020, et pas uniquement dans le store et la fermeture. Par exemple le décret paru en octobre dernier sur l’obligation de laisser les portes des magasins et administrations fermées lorsque les locaux sont chauffés ou climatisés engage pleinement les portes automatiques piétonnes. Ce fil rouge est essentiel car il reflète l’importance que nous devons donner à l’éco-responsabilité, à la lutte contre le réchauffement climatique et aux économies d’énergie. Et nos métiers sont une solution concrète et forte. Ils fonctionnent très bien, la production est en grande majorité européenne – et souvent française – et ils sont créateurs d’emploi, de la fabrication jusqu’à la mise en œuvre.
Technic’baie : Vous parliez de formation pour les installateurs…
P. S. : C’est le dernier axe que je voulais évoquer. Le travail à venir est énorme, plus structurel et peut-être culturel. À part « sur le tas », il n’existe pas d’endroit où former nos futurs installateurs. Il manque un schéma clair de nos formations. En lien avec l’éducation nationale, en alternance ou avec les CFA, il faudrait créer une école, construire des programmes avec deux ou trois options possibles. Il y a énormément de matières transverses aux différents secteurs que représente notre syndicat comme l’électro-technique ou les règles de bases de la mise en œuvre.
Et puis bien sûr il y a le sourcing, qui là aussi nous fait défaut. Nous manquons de candidats. Est-ce parce qu’ils n’existent pas ? Est-ce parce qu’on ne sait pas où aller les chercher et qu’ils ne savent pas où nous trouver ? Nous devons séduire les jeunes et nous devons nous ouvrir. Lors de la dernière journée métier du Groupement Actibaie, un atelier a été organisé sur l’embauche des réfugiés (voir pages 30-32). C’était passionnant, et dans la logique des choses. Nous défendons la planète par nos métiers qui permettent d’économiser de l’énergie, voire d’éviter d’en consommer. Nous développons une activité économique localisée en France et en Europe. C’est une évidence, maintenant, de travailler avec des personnes d’horizon diverses et de les intégrer.
Technic’baie : Le bâtiment comme « ascenseur social » ?
P. S. : Oui, j’ai vu des collaborateurs commencer comme poseur et devenir technico-commercial. Des évolutions importantes dans nos métiers car installateur est une profession physique où l’on porte des charges lourdes. Il est difficilement envisageable de le faire jusqu’à 64 ans.
Technic’baie : Est-ce un plus d'être intégré à la Fédération française du bâtiment ?
P. S. : Objectivement, oui. Cela nous permet de nous développer et de nous épauler financièrement et intellectuellement pour mettre en place nos projets. Il y a un principe de reconnaissance évidente face aux instances gouvernementales. Bien sûr, il y a parfois des désaccords entre la Fédération et les fabricants. C’est notre rôle de faire la synthèse. Car une de nos particularités au sein de la FFB est d’être un des rares syndicats à associer industriels et poseurs. La culture de la Fédération est plutôt centrée sur la mise en œuvre. Sans compter notre transversalité au niveau des métiers. Alors la synthèse est parfois compliquée, mais elle nous rend plus fort. Nous pesons plus lorsque l’on s’appelle Groupement Actibaie que lorsque nous étions des syndicats distincts.
4 présidents en 24 ans
Claude Guez, Entreprise Thibaut, 1999-2011.
Bruno Blin, Dubos-Verger, 2011-2017.
Yannick Michon, Assa Abloy, 2017-2023.
Philippe Séas, Stores Séas, 2023.