La réunion très attendue du 15 juin à Bercy pour le lancement de la médiation de filière, apporte des réponses en demi-teinte aux professionnels : une circulaire adressée aux acheteurs de l’État pour le gel des pénalités de retard et la création d’un comité de crise avec recours au name and shame pour les récalcitrants. Pour la médiation de filière, les marchés privés et la prise en charge du chômage partiel, on repassera dans quelques semaines…
Citant à titre d’exemple « le prix de l’acier passé de 500 € à 1500 € en l’espace de quelques mois » Bruno Le Maire a tenu en préambule à placer au premier plan « la solidarité entre les acteurs de la filière[…] c’est le maître-mot, c’est la meilleure réponse. On se serre les coudes, on trouve des solutions et on essaie d’aménager les délais et les coûts de façon à faire face à cette difficulté qui je l’espère sera transitoire » a-t-il déclaré.
Une circulaire adressée à tous les acheteurs de l’État pour annuler les pénalités de retard
Bruno Le Maire s’est engagé à « adresser une circulaire à tous les acheteurs de l’Etat pour leur demander de ne pas appliquer de pénalités de retard aux TPE et PME, en cas de retard dans la livraison de marchés publics en raison de cette pénurie de matières premières […] C’est un cas de force majeure qui justifie cette circulaire » a-t-il déclaré, demandant par la même occasion « à l’ensemble des collectivités locales de suivre la même politique et de faire preuve de la même compréhension que celle dont va faire preuve l’État ». Le ministre espère ainsi régler « une partie significative des difficultés […] si chacun joue le jeu, non seulement l’État mais aussi l’ensemble des collectivités locales ».
Mise en place d’un comité de crise : le name and shame à l’honneur
Seconde mesure, saluée par la FFB dans la soirée : un comité de crise piloté par Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises, doit être mis en place très rapidement. « Le rôle de ce comité de crise sera de voir remonter l’ensemble des comportements abusifs au sein de la filière » précise Bruno Le Maire qui ajoute « nous nous réservons toute possibilité de faire du name and shame en cas de comportement qui resterait abusif après que le comité de crise aura signalé ces abus. Je crois que le "name and shame" est ce qu’il y a de plus efficace pour dénoncer des comportements abusifs à l’intérieur de la filière, alors que la solidarité et la compréhension, je le répète, doivent être la règle ». En réponse à Le Moniteur, Bruno Le Maire précise que la circulaire ne s’adressera qu’aux acheteurs de l’ État, du fait du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. Mais celles-ci seront néanmoins concernées par le name and shame auquel invite le ministre en cas de non-respect du principe de la circulaire : « le médiateur des entreprises a pour vocation à souligner les comportements abusifs de tout le monde sans exception et je crois qu’il faut que tout le monde joue le jeu ».
Une médiation de filière dans « quelques semaines »
Annoncée le 20 mai par Bruno Le Maire, la médiation de filière est la 3ème mesure annoncée lors de la conférence de presse d’hier. Mais contrairement aux 2 mesures précédentes, ça n’est pas pour tout de suite : « d’ici à quelques semaines nous mettrons en place une médiation de filière pour amortir au mieux le choc sur l’ensemble des acteurs de la filière du bâtiment et des travaux publics » promet Bruno Le Maire.
Statu quo sur les marchés privés
S’exprimant sur BFM TV avant la réunion à Bercy, Olivier Salleron, président de la FFB dévoilait le matin même l’ensemble des propositions qu’il comptait formuler dans l'après-midi aux ministres, face à cette crise inédite. Concernant les pénalités de retard il déclarait : « Bruno Le maire nous avait octroyé le gel des pénalités de retard sur les marchés publics. Nous allons le demander aussi sur l’ensemble des marchés privés afin qu’en cas de retard des chantiers, les entreprises et les entrepreneurs ne soient pas désignés comme fautifs. Il faut agir là-dessus ». De ce point de vue, c’est donc le statu quo, sachant que la médiation de filière n’est pas réellement actée. Une clause de rendez-vous a cependant été acquise à l’issue de cette réunion « dans les semaines qui viennent pour voir si ces dispositifs se mettent bien en place, ajuster ce qui mériterait de l’être et nous assurer que nous apportons une réponse concrète et efficace à cette difficulté (d’approvisionnement N.D.L.R.) » a précisé Bruno Le Maire.
L’activité partielle n’est pas à l’ordre du jour
Autre proposition d'Olivier Salleron, formulée dès le matin sur BFM TV : «nous avons embauché plus de 50 000 salariés sédentaires depuis 1 an et augmenté les contrats d’apprentissage de 10%. Nous avons besoin aujourd’hui d’un coup de pouce sur quelques mois pour garder notre outil de production. Faute de quoi des salariés se retrouveront au chômage. Nous demandons à ce que le chômage partiel en cas d’arrêt des chantiers soit pris en charge à 100% par l’Etat pour quelques mois». Une requête qui n’a pas été entendue pour l’instant par le gouvernement. « L’activité partielle est réservée à des cas très spécifiques, arrêt d’entreprise, fermeture ,administrative pour des raisons sanitaires. La demande nous a été faite. Je préfère que nous restions dans le cadre qui avait été défini il y a maintenant plusieurs mois pendant la crise sanitaire […] Cela me parait plus sage, je rappelle que nous sortons de cette crise économique, que le redémarrage est fort et je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure solution que de rétablir ce type de dispositifs » répondait en effet Bruno Le Maire interrogé par l’AFP sur cette question. « Mais nous allons étudier tout ce qui nous a été demandé » ajoutait-il.
Le FFB réclame un examen urgent de ses autres propositions...
La réaction de la FFB ne s’est pas fait attendre. Par voie de communiqué de presse, elle a salué en début de soirée « la mise en place du comité de crise annoncée par Bruno Le Maire et espérée pour les prochains jours ». Mais elle insiste également sur les autres mesures proposées, qui n’ont été entendues pour l’instant : « versement immédiat du carry back et crédit d’impôt proportionnel au poste « achat de matériaux » pour limiter l’impact des hausses de prix ; gel des pénalités de retard et compensation intégrale du chômage partiel en cas de rupture d’approvisionnement ». Car si le gel des pénalités de retard est acquis pour les marchés publics, quitte à avoir recours au name and shame; sur les marchés privés rien n’a été accordé pour l’instant.
... Pour Bercy, il est urgent d’attendre
Si Bruno Le Maire promet d’étudier dans les semaines à venir, toutes les propositions formulées par les organisations professionnelles en présence*, l’urgence que pointe la FFB dans son communiqué « car de plus en plus d’artisans et entrepreneurs sont contraints d’arrêter les chantiers et de mettre des salariés au chômage partiel », est perçue tout autrement par le ministre de l’économie des Finances et de la Relance. Pour Bruno Le Maire, il semble plutôt urgent d’attendre : « Vous savez cela fait environ 14 mois que nous gérons cette crise économique et je prends toujours avec beaucoup de retenue les chiffres et annonces qui sont faîtes car il se trouve que parfois cela se vérifie et parfois non. Si l’on s’était parlé il y a 3 mois, peu de monde aurait prévu que dans le fond, ce qui nous a surpris c’est la vigueur de la reprise qui a amené 2 difficultés que je n’ai pas vu grand monde anticiper : les difficultés de recrutement et les tensions sur les matières premières. Donc prenons les choses avec beaucoup de sérieux et de gravité, mais en regardant aussi au fur et à mesure ce qui se produit. Et nous verrons où nous en sommes dans quelques semaines... » a déclaré Bruno Le Maire.
*(MEDEF, CPME, U2P), les représentants du secteur des bâtiments et des travaux publics (FFB, CAPEB, FNTP, CNATP), les fédérations de producteurs et de négociants de matériaux de construction (AMCC, FDMC, CGI, FIEEC) et les représentants de clients professionnels (ORCAB, USH, FPI).