Confort d'été : rénover pour garder les logements habitables

Confort d'été : rénover pour garder les logements habitables

« À Paris, les canicules et les vagues de chaleur sont la manifestation la plus perceptible du changement climatique. Si 2022 était décrite par Météo France comme “l’été de tous les records”, un été avec ce type de températures, comparables à celles de la canicule de 2003, sera considéré comme un été “normal” d’ici 2030 à Paris. » Ces lignes sont les premières du rapport de la Mission d’information et d’évaluation du conseil de Paris baptisé « Paris à 50 C », présidé par Alexandre Florentin et rapporté par Maud Lelièvre, tous deux conseillers de Paris.

Il s’agit ici de la capitale de l’Hexagone, mais sans doute pouvons-nous dresser le même constat pour toutes les grandes – et moins grandes – villes de France. Avec 5,2 millions de passoires thermiques impossibles à chauffer en hiver et « qui se transforment en bouilloires énergétiques impossibles à refroidir en été », la Fondation Abbé Pierre met en avant l’importance de la précarité énergétique. Il s’agit là d’un état de précarité de personnes n’ayant pas dans leur logement un accès classique et régulier aux sources d’énergie nécessaire à la satisfaction de leurs besoins primaires.

© K.Line
Les BSO permettent de protéger de la chaleur tout en conservant la visibilité à l’intérieur du logement.

Repenser l’organisation des villes et du bâti

Encore largement associée au ressenti du froid dans le logement, la précarité énergétique est trop peu liée « à l’inhabitabilité liée aux pics de chaleur. En effet, la définition de la précarité énergétique inclut des indicateurs liés au taux d’effort énergétique et au ressenti du froid, mais ne tient pas compte pour le moment des difficultés à maintenir une température acceptable dans son logement pendant les périodes de chaleur. Pourtant, de plus en plus de personnes sont exposées à la précarité énergétique en été, un phénomène accentué par le changement climatique et les vagues de chaleur extrêmes de plus en plus fréquentes, avec des effets parfois dramatiques sur la santé. Pour elles, l’enjeu n’est pas simplement le “confort d’été“, mais l’habitabilité même de leurs logements plusieurs mois par an », estime la Fondation Abbé Pierre dans une étude publiée le 23 juin dernier intitulée « Précarité énergétique d’été, une nouvelle forme de mal-logement ».

En cause, notamment, une isolation peu performante des bâtiments et une surexposition au soleil par manque de protection solaire. La Fondation distille alors quelques pistes, expliquant qu’il faut repenser l’organisation des villes et du bâti, végétaliser, « débétonner » et rénover. Et, le plus possible, éviter le recours à la climatisation, très énergivore et polluante pour l’environnement. « Cela ne résout pas les problèmes de consommation ni de surchauffe. Cela aggrave même les choses, puisqu’en voulant refroidir l’intérieur, cela réchauffe l’extérieur », résume Stéphane Ehret, gérant de la société Baumann Hüppe.

Penser global

En termes de rénovation énergétique, l’Ademe préconise une rénovation globale et coordonnée. « Pour être efficace, il faudra toucher à la fois à l’isolation des sols, des murs et des plafonds mais aussi aux huisseries et à la ventilation. Cela dans un ordre bien défini. Changer les fenêtres avant d’effectuer l’isolation ou de réfléchir à la ventilation n’aurait pas de sens  », explique Céline Laruelle, ingénieure Service Bâtiment à l’Ademe. Il faut ainsi se poser les bonnes questions. Quels sont les points de perméabilité de la maison, est-ce que les huisseries sont suffisamment isolantes, est-ce que l’étanchéité à l’air est efficace, est-ce qu’il y a des ponts thermiques, le bâti est-il équipé de protections solaires ?

- 4 à - 7 °C avec des protections solaires automatisées

Que ce soit le rapport « 50 C à Paris », celui de la Fondation Abbé Pierre ou le gouvernement à travers le plan « Vague de chaleur » présenté par Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, les avis se multiplient pour mettre enfin en avant l’apport indispensable des protections solaires dans la course contre la précarité énergétique. Avec des résultats parlants, le Groupement Actibaie a mis en ligne le 21  mars dernier Caleepso, un simulateur de gain énergétique indiquant les économies d’énergie réalisées grâce aux volets et/ou aux stores et simulant les gains de confort et les économies de carbone (voir encadré). Autre enseignement, une étude réalisée par Somfy et validée par Carbone 4, un cabinet de conseil indépendant spécialisé dans la stratégie bas carbone et l’adaptation au changement climatique, estime de - 4 à - 7 °C la diminution de la température intérieure lors de pics de chaleur lorsque le logement est équipé de protections solaires automatisées. « Pour être efficace, il faut mettre la bonne protection au bon endroit », explique Benoît Mangin, ingénieur expert R&D en acoustique et thermique chez K.Line. Volets roulants, BSO, store zip… Tous fonctionnent tant qu’ils sont placés à l’extérieur pour empêcher les rayons du soleil de frapper la vitre. « La ventilation du bâti est en lien direct avec la perméabilité du produit installé. Car idéalement, il faudrait une protection solaire déployée qui assure une ventilation le matin ou en fin de journée. Le brise-soleil orientable, qui permet de moduler la position, est une solution performante, face à un volet roulant très efficace pour se protéger du rayonnement du soleil mais qui contraint de vivre dans une grande obscurité et qui ne ventile que très faiblement, même si les lames sont ajourées », détaille Benoît Mangin, qui rappelle l’importance d’avoir une ouverture à la française pour une ventilation optimum.

Au-delà du produit, automatiser le système est un atout majeur, selon les professionnels. « Disposer de protections solaires intelligentes dans leur conception permet d’optimiser la lutte contre les apports de chaleur et de conserver au maximum la lumière en créant des scénarios d’usage. Cela a tout son sens dans la rénovation énergétique », note Stéphane Ehret. D’autant plus que l’arrivée sur le marché des moteurs solaires, sans fil et avec des capteurs intégrés dans le panneau, qui ne nécessitent pas de travaux d’installation importants, va fortement faciliter l’automatisation de produits existants.

© Baumann Hüppe
Pour être les plus efficaces,les protections solaires doivent être placées à l’extérieur.

Intégrer les protections dans les aides financières

La rénovation énergétique pour le confort d’été, une évidence, donc, mais encore trop peu prise en compte par les pouvoirs publics, comme le fait remarquer Céline Laruelle, regrettant « que l’on parle beaucoup d’économies de chauffage mais les enjeux du confort d’été sont encore trop peu pris en compte dans les rénovations. L’inconfort peut être important et générer des consommations de climatisation. » Julien Decker, directeur commercial et marketing chez Ates, estime « qu’il faudrait une corrélation entre la construction et la rénovation. Il est plus facile d’imposer une réglementation dans le neuf, celui-ci étant déjà pris en compte par la RE 2020. Mais avec le temps, les impératifs du neuf, notamment en termes de matériaux biosourcés et peu énergivores, seront demandés dans la rénovation. » La Fondation Abbé Pierre « appelle [ainsi] l’État, les collectivités et les propriétaires à protéger les personnes victimes de précarité énergétique en équipant en urgence l’ensemble des bâtiments de protections solaires et de revêtements clairs, en rendant ces travaux enfin éligibles aux aides de l’Anah comme MaPrimRenov et en lançant un grand plan de végétalisation à l’échelle des villes et des logements. »

La question des aides revient d’ailleurs dans tous les discours. « Ces rénovations concernent principalement l’installation de stores et de volets. Des gestes considérés comme des “ petits travaux ” par le ministère. Néanmoins, ils requièrent une technicité et une préparation qui nécessitent l’intervention de professionnels. Pour les ménages les plus modestes, le coût peut rester conséquent. Les aides financières doivent donc suivre pour inciter les propriétaires à mener ces travaux. Informer est nécessaire mais ne suffira pas », a alerté Hervé Lamy, délégué général du Groupement Actibaie, en réaction à l’annonce de la prise en compte des protections solaires dans le plan «Vague de chaleur » du Gouvernement. Même son de cloche pour Céline Laruelle : « Nous sommes loin d’avoir équipé toutes les fenêtres de France de volets ou de stores. Il serait très bénéfique d’avoir des aides pour les particuliers. Nous travaillons à l’Ademe pour démontrer à quel point le comportement de l’utilisateur est important pour son propre confort. Mais il doit pouvoir se le permettre. »

Sensibiliser le grand public

La pédagogie est ainsi un élément essentiel pour la prise en compte du confort d’été dans la rénovation énergétique. « Il faut sensibiliser le grand public. En période de canicule, la majorité des gens fermera son volet ou son store. Mais au quotidien, la gestion n’est pas optimale. Souvent, les personnes vont ouvrir leur fenêtre quand ils ont trop chaud alors qu’il aurait fallu anticiper. D’où l’intérêt d’un pilotage automatique, qui permet d’ouvrir au petit matin et tard le soir, pour décharger le bâtiment. Tout cela, il faut l’expliquer, pour que les logements soient équipés en conséquence », explique Benoît Mangin. D’autant plus que depuis la pandémie, les gens passent de plus en plus de temps chez eux. « À chaque canicule, les habitants se disent qu’il faudrait effectuer des rénovations, pour leur confort personnel mais maintenant aussi professionnel avec l’essor du télétravail », estime Julien Decker. « Et entre les dépenses énergétiques et l’impact écologique d’un climatiseur, le choix devrait se faire de lui-même vers les protections solaires. »