"Au cours des dernières semaines, le prix du pétrole est monté jusqu’à atteindre le double de ce qu’il était en 2019 ; plus encore, les pics observés pour le gaz et l’électricité se sont situés à des niveaux plus de 10 fois supérieurs au cours des dernières années. Les marchés de matières premières, notamment des métaux comme le nickel et des matériaux semi finis, s’emballent également" résume Jean Castex. Le prix de l'aluminium a lui aussi atteint des sommets même si le problème majeur est celui de l'approvisionnement et des délais de livraison. Le Plan de résilience économique et sociale attendu depuis la semaine dernière, propose une série de mesures notamment des mesures ciblées pour les entreprises du BTP particulièrement impactées.
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Remise carburant, prise en charge de 50% du surcoût énergétique des entreprises
Concernant le carburant, essentiel à l'activité des installateurs, le Premier ministre annonce d'emblée pour les particuliers et les entreprises, "à compter du 1er avril, et pour une durée de 4 mois, une « remise carburants » de 15 centimes par litre pour réduire le prix à la pompe" ajoutant que "ce dispositif sera étendu au gaz naturel véhicule et au GPL". Les distributeurs sont appelés à aller au-delà, ce que Total s'est déjà engagé à faire. Souhaitons que la concurrence entre distributeurs jouera à plein pour faire baisser les prix de façon conséquente.
Le gel des prix de l’énergie et des carburants demandé par la FFB la semaine dernière n'est pas acté dans ce "Plan de résilience économique et sociale". Cependant, toutes les entreprises dont les dépenses de gaz et d’électricité représentent au moins 3 % de leur chiffre d’affaires bénéficieront d'une "prise en charge de la moitié du surplus de leurs dépenses énergétiques". A la condition précise toutefois Bruno Le Maire que la hausse de leur facture d'électricité ou de gaz soit de 40% minimum depuis le début du conflit en Ukraine, et qu'elles enregistrent une perte d'exploitation. En complément de cette aide, trois dispositifs seront renforcés pour les entreprises.
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PGE, reports de charges et activité partielle : des dispositifs renforcés
Concernant le Prêt Garanti par l'Etat (PGE) "le plafond d’emprunt sera relevé jusqu’à 35 % du chiffre d’affaires, contre 25 % aujourd’hui" et ce jusqu'au 30 juin indique Bruno Le Maire qui ajoute qu'à compter du 1er juillet et jusqu'à fin 2022, un nouveau PGE plafonné à 10% du chiffre d'affaires devrait prendre le relai. Il précise que les entreprises qui souhaitent un étalement de ce prêt jusqu'à 10 ans peuvent s'adresser au médiateur du crédit de leur département, seules une dizaine d'entreprise ayant fait appel à cette solution pour l'instant.
L'accès aux reports de charges fiscales et sociales doit aussi être facilité, pour les entreprises touchées par l’augmentation des prix de l’énergie ou la perte de débouchés à l’exportation. "Elles pourront à cet effet saisir les services de la DGFiP et des URSSAF" précise le Premier ministre qui a également "décidé de prolonger le dispositif d’activité partielle de longue durée (APLD) de 12 mois supplémentaires, pour les accords déjà signés". Il ajoute que les branches et entreprises non couvertes à date, pourront elles-aussi signer des accords jusqu’à fin 2022.
Prêts industries de BPI France ouverts au BTP
Bruno Le Maire a souhaité par ailleurs attirer l'attention des industriels du BTP sur les Prêts Industries de Bpifrance d'une durée de 10 ans, qui peuvent permettre aux PME et ETI d'investir dans un nouvel outil de production, notamment pour ne plus utiliser de gaz par exemple. "Nous avons décidé avec le Premier ministre d'ouvrir ces Prêts industries de Bpifrance aux secteurs du bâtiment et des travaux publics" annonce Bruno Le Maire qui indique un budget global disponible de 700 millions d'euros pour ce type de prêts.
Mise en œuvre de la théorie de l’imprévision pour le BTP
La FFB demandait notamment la semaine dernière "la mise en œuvre de la théorie de l’imprévision tant dans les marchés publics que dans les marchés privés en vue d’imposer une renégociation des prix aussi longtemps que durera le conflit". Elle aura été partiellement entendue sur ce point puisque c'est uniquement aux acteurs publics et seulement "lorsque c'est possible" qu'il est demandé d'appliquer "la théorie de l’imprévision pour les marchés publics ne comportant pas de clause de révision de prix et de ne pas appliquer les pénalités de retard lorsque ce dernier est justifié par la prolongation d’un délai de livraison de la part d’un fournisseur à cause de la crise".
A la suite de Jean Castex, Bruno Le Maire précise cependant concernant la mise en œuvre de la théorie de l’imprévision pour les contrats de droit privé, "qu'il est possible de les réviser en cas de changement de circonstances imprévisibles qui rend l'exécution du contrat de droit privé trop coûteuse [...] Les contrats peuvent donc être amendés pour intégrer ces hausses massives de coûts après une négociation de bonne foi avec le client".
Appel à la solidarité de filière, règlement des litiges
Le ministre de l'Industrie en appelle également "à la solidarité entre TPE, PME et donneurs d'ordre. Il faut que les TPE et les PME puissent modifier leurs contrats avec leurs clients pour prendre en compte les hausses de prix [...] il faut que les donneurs d'ordre jouent aussi le jeu et fassent preuve de solidarité avec leurs entreprises sous-traitantes TPE et PME. Et nous souhaitons que le médiateur des entreprises accompagne chacune des filières avec des comités dédiés pour résoudre les tensions qui peuvent être liées aux approvisionnements et pour veiller à ce que cette solidarité économique se traduise en actes".
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Rappelons sur ce point que face aux pénuries de matériaux et semi-conducteurs, le Comité d’action sur les approvisionnements et les conditions de paiement mis en place à l’initiative de Bercy est opérationnel depuis le 23 février, veille de l'offensive en Ukraine. Il permet d'enclencher une procédure de médiation face à des comportements abusifs et, faute d'accord amiable de faire remonter le dossier à Bercy. Il devrait donc à priori pleinement jouer son rôle dans cette nouvelle crise des matériaux et de l'énergie.
Accompagnement à l'export vers de nouveaux marchés
Les entreprises exportatrices vers la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine pourront bénéficier d'un accompagnement personnalisé pour ouvrir de nouveaux marchés. Le chèque relance export qui finance jusqu’à 50 % les prestations de projection à l’international ainsi que le chèque VIE (subvention de 5000€ par mission) seront prolongés au-delà du 30 juin 2022, pour aider les PME et ETI concernées à réajuster leur stratégie internationale. Enfin l’assurance-prospection, destinée à financer les dépenses de prospection sur les marchés export via un acompte (remboursable selon le succès de l'opération), sera proposée aux PME et ETI pour les aider à prospecter de nouveaux marchés.
Adopté en urgence, ce Plan de résilience économique et sociale sera adapté selon l'évolution de la crise qu'il entend amortir. Sachant qu'entre 20 et 30% du gaz Français est importé de Russie, il prévoit par ailleurs d'accélérer l'indépendance énergétique de la France, de diversifier son approvisionnement en gaz ; d'avancer vers une sortie du gaz des ménages via MaPrimeRénov' (augmentée de 1000 € pour l'installation d’un système de chauffage non alimenté par le gaz ou le fioul) et vers une sortie du gaz de l'industrie via France 2030.