Prévue par la nouvelle REP Bâtiment, ou REP PMCB (Produits et matériaux de construction du secteur du bâti[1]ment), la reprise gratuite des déchets des chantiers est une bonne nouvelle pour les installateurs-poseurs qui étaient contraints jusque-là de supporter seuls le coût de gestion de leurs déchets ou de les facturer aux clients. Un montant non négligeable qui, comme l’indique Pascal Quenechdu, président du réseau Komilfo et gérant des sociétés Baie Ouest et Quenechdu, « pouvait représenter jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires d’une entreprise du réseau, nombreuses étant celles qui avaient conclu un partenariat avec un opérateur spécialisé dans le traitement des déchets ». À compter du 1er janvier 2023, ce sont tous les déchets de construction et de démolition qui pourront être repris sans frais. Pour bénéficier du cadre de la REP, les déchets devront cependant être séparés à la source selon les sept flux définis par le décret du 16 juillet 2021: déchets de fraction minérale, plâtre, papier/carton, métal, plastique, verre et bois. Ce geste de tri sera adapté au cas des menuiseries vitrées qui seront reprises dans leur ensemble, c’est-à-dire sans démontage du cadre ni du vitrage. Pour les autres produits comme les volets ou les portes, les consignes de tri restent à définir.
Depuis le 14 novembre dernier, HerculePro a mis à disposition de l’ensemble de ses clients et pour l’ensemble de ses versions SAAS et Client lourd une bibliothèque permettant d’intégrer l’éco-contribution dans leurs devis, en suivant la codification de Valobat, première codification à être disponible.
Multiplier les points de collecte
Pour mettre en œuvre cette reprise gratuite, les éco-organismes vont s’appuyer sur des points d’apport volontaire existants, qu’il s’agisse de déchetteries professionnelles, publiques ou de points de reprise installés chez les distributeurs ayant des surfaces de vente ou d’entrepôt de plus de 4 000 m². Les installateurs-poseurs qui travaillent sur le diffus, en faisant par exemple de la pose de volets et de fenêtres chez le particulier, devront s’organiser pour aller déposer les anciennes menuiseries dans les points de collecte, certains objectifs de la REP étant de multiplier leur nombre pour éviter les dépôts sauvages mais surtout les distances trop grandes à parcourir. Les entreprises intervenant sur des chantiers générant plus de 50 m³ de déchets auront quant à elles la possibilité de faire appel à un opérateur, ou même un éco[1]organisme, qui viendra directement mettre en place des bennes de tri sur le chantier. « L’entreprise ne payera plus les coûts de gestion des déchets mais elle continuera de s’acquitter du coût de transport des déchets par l’opérateur. Néanmoins il faut savoir que ce coût diminuera avec le temps car il sera en partie pris en charge par les éco-contributions », remarque Rami Jabbour, directeur marketing et communication de Valobat ?
À partir du 1er janvier 2023, l’éco-participation des produits apparaîtra en fin de document contractuel. Ici une facture éditée avec ProDevis d’Elcia.
Tri à la source = reprise sans frais
S’annonçant avantageux pour les entreprises, le nouveau dispositif suscite pour l’heure quelques inquiétudes liées au planning d’application. La première concerne la reprise des déchets. « En tant que fabricant et installateur de menuiserie, nous avons l’impression que nous allons être mis à contribution deux fois », remarque Virginie Fayemendy, responsable HSE du groupe Lorillard. « À partir du 1er janvier, nous allons payer des éco-contributions mais nous allons aussi continuer d’avoir des coûts de gestion de nos déchets de chantier car les éco-organismes ne semblent pas encore en mesure de mettre en place des bennes ou des chevalets sur les chantiers. Du côté des agences commerciales Lorenove, qui interviennent auprès des particuliers, les contrats de récupération de déchets ne sont pas davantage prêts. D’un autre côté, on a conscience que les tarifs d’éco-contribution sont très faibles pour 2023, parce que cette organisation n’est pas encore mise en place. ».
Quelle responsabilité pour chacun des acteurs ?
La REP Bâtiment distingue le metteur sur le marché du détenteur final du déchet. Le premier est, selon la réglementation française, celui qui commercialise un produit pour la première fois sur le territoire national. Il s’agit typiquement d’un fabricant français de fenêtres, de portes, de volets, etc, et de tout négociant ou distributeur qui importe des produits de l’étranger. Le second est celui qui dépose le produit ou celui à qui il appartient. La responsabilité du metteur sur le marché est d’ordre réglementaire : il doit désormais penser à la fin de vie des produits qu’il commercialise afin qu’ils rentrent dans une boucle vertueuse d’économie circulaire. Ses obligations concernent la participation aux frais de gestion des déchets. De son côté, l’installateur a comme responsabilité de mettre le déchet dans la bonne filière de valorisation. Il doit en effet éviter que celui-ci parte en centre d’enfouissement ou d’incinération. C’est une fois que les déchets auront été repris ou déposés dans les points de collecte référencés qu’ils deviendront la propriété des éco-organismes et passeront sous leur responsabilité.
Une autre interrogation porte sur la mise à jour à temps des documents contractuels, et plus précisément des outils informatiques utilisés par les entreprises qui, rappelons-le, doivent faire apparaître dès le 1er janvier le montant de l’éco-contribution de la REP PMCB de chaque produit mais aussi l’éco-contribution D3E de tous les composants électriques et électroniques (moteurs, télécommandes, capteurs, etc). À noter que si l’éco-contribution D3E peut être, selon les cas, répercutée jusqu’au client final*, l’éco-contribution PMCB doit pour l’instant s’afficher dans les échanges entre professionnels mais est susceptible à terme de devenir elle aussi visible jusqu’au particulier. Au cœur du sujet, les éditeurs de logiciels de chiffrage sont pris dans une véritable course de vitesse. Comme le note Olivier Bernard, responsable commercial et marketing de HerculePro, « les premières règles de calcul des éco-organismes ne nous ont été communiquées qu’à partir de début octobre… Nous allons nous adapter, mais ce qu’il est possible dans un délai aussi court ». L’éditeur Elcia prévoit de son côté une évolution en deux temps de ses outils ProDevis et MyPricer. « Une première étape avant le 1er janvier permettra de répondre à l’urgence. Elle consistera à diffuser une mise à jour de nos logiciels afin de donner la possibilité à l’utilisateur d’indiquer l’éco-contribution de ses produits. Cette indication sera dans un premier temps manuelle ou semi-manuelle. Dans un second temps, nous ferons en sorte que l’éco-contribution se calcule automatiquement en fonction du produit que l’installateur est en train de chiffrer. Mais cela nécessitera une mise à jour de nos 2 500 bibliothèques de prix », détaille Edouard Catrice, directeur général du groupe Elcia. Le temps passé par les éditeurs sur chaque bibliothèque de prix dépendra du mode de calcul de l’éco-organisme choisi par le fabricant et de la densité des bases de données. « Difficile d’en connaître aujourd’hui l’impact exact, même si l’on pense que cela pourra prendre une à plusieurs heures », remarque Olivia Bernard. Les prestations seront, elles, directement facturées aux industriels concernés.