Annoncée par la loi Agec en 2020 (anti-gaspillage pour une économie circulaire), la nouvelle filière à Responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment est entrée en vigueur le 1er mai 2023. Son application représente une étape primordiale pour le monde du bâtiment, producteur de plus de 46 millions de tonnes de déchets par an. L’objectif : favoriser la collecte et le traitement des déchets qui ne trouvent pas encore d’exutoire de valorisation et finissent encore souvent en site d’enfouissement, voire en décharge sauvage.
La REP repose sur le principe de pollueur-payeur : rendre gratuite la reprise de déchets triés à la source sur les chantiers en faisant porter le coût de la collecte aux producteurs ou aux distributeurs de matériaux de construction par le biais d’éco-contribution lors de la mise sur le marché du produit. Des éco-contributions collectées par des éco-organismes agréées par l’état : Ecomaison, Ecominéro, Valdelia et Valobat.
8 000 metteurs sur le marché
Après bientôt un an de mise en œuvre de la REP PMCB, plus de 8 000 metteurs sur le marché ont adhéré à un éco-organisme, indique Valobat. Une première étape indispensable, appelée « mise en conformité des producteurs » : faire en sorte que les industriels et les distributeurs qui mettent sur le marché des produits de construction adhèrent à un éco-organisme en déclarant les quantités mises sur le marché. « Comparée à d’autres REP, la mise en conformité dans le secteur du bâtiment semble très rapide », note Rami Jabbour, directeur marketing et communication de Valobat. Pourtant, forcément, certains acteurs sont toujours en dehors des clous, alors qu’adhérer tardivement ne changera rien : les éco-contributions sont rétroactives. Il faudra quoi qu’il en soit payer une éco-contribution sur les produits mis sur le marché depuis le 1er mai 2023. « L’instabilité juridique et réglementaire autour du sujet de la REP pousse certains à procrastiner. Il y a surtout un problème de défiance.
On entend parfois certains dire qu’ils paient des éco-contributions mais qu’il n’y a pas grandchose en face. C’est à nous de les rassurer en étant efficaces. Il faut collecter et recycler », analyse Arnaud Humbert-Droz, président Exécutif chez Valdelia.
Un maillage hétérogène
Deuxième axe de travail phare des 12 mois écoulés : la mise en place du système de collecte. En décembre 2023, le nombre de points de collecte pour une reprise sans frais des déchets (déchetteries professionnelles, de reprise distributeur, plateformes de recyclage d’inertes) atteignait 2 400 d’après la FFB ; 2 700 d’après la Capeb.
En parallèle, les éco-organismes ont développé des déchèteries publiques, solutions pour les particuliers ou les petits artisans. « C’est une décision collégiale des éco-organismes afin de proposer un seul contrat aux collectivités », explique Rami Jabbour, qui estime à plus de 4 500 les déchèteries publiques qui s’ouvrent au fur et à mesure de l’année 2024. Pour autant, le maillage n’est pas homogène sur le territoire, certaines zones blanches persistant. « Dans le cahier des charges établi par les pouvoirs publics, le maillage cible doit être atteint fin 2026. Charge à nous de développer les services », explique Rami Jabbour. « Il faut accentuer le développement pour pouvoir offrir aux utilisateurs un service cohérent avec les montants d’éco-contribution demandé », ajoute Arnaud Humbert-Droz.
Lisser les coûts sur toute la filière
Le montant des éco-contribution a pu faire débat. Certains, à l’image de Valdélia, n’ont que peu touché aux montants demandés entre 2023 et 2024. « Les barèmes ont commencé très bas chez certains de nos concurrents, à 0,50 centime pour les fenêtres alors que nous étions à 2,20 euros », détaille Arnaud Humbert-Droz. « Nous avons prévenu tout de suite que pour mettre en œuvre un déploiement, ce n’était pas assez haut. Cela a fait jouer la concurrence, mais aujourd’hui ils nous rattrapent peu à peu. De notre côté, notre plan de progression financière a été annoncé dès notre dépôt de dossier de demande d’agrément, à l’automne 2022. Il n’y aura pas de changement sur 2024-2025, la prochaine augmentation devrait arriver en 2026 ».
De son côté, Remi Jabbour explique l’augmentation des éco-contributions – une multiplication d’un facteur qui va de 1,2 à 4 selon les produits – par la montée en puissance du dispositif. « Lorsque l’on regarde le fonctionnement des REP d’autres filières sur les premières années, un élément ressort : les dispositifs commencent à prendre, la quantité de déchets collectés augmente forcément. Pour notre part, avec l’ouverture des points de collecte tout au long de l’année, et notamment la reprise sur les gros chantiers qui a démarré fin 2023, nous nous attendons à une forte augmentation de la quantité de déchets collectés en 2024 par rapport à 2023. » Il rappelle par ailleurs qu’ils enjoignent les metteurs sur le marché à répercuter le coût sur leurs propres prix afin qu’ils soient lissés sur toute la filière.
Déconstruction des huisseries
Les enjeux pour les mois à venir, outre avancer dans le maillage des points de collectes, sont nombreux. Arnaud HumbertDroz évoque le renforcement du dispositif de déconstruction des huisseries. « Nous avons des accords et des marchés avec des acteurs qui le font automatiquement mais aussi manuellement, avec des structures d’économie sociale et solidaire. Il n’y a pas aujourd’hui “d’hyper technologie” sur cette question. Nous regardons donc comment professionnaliser le démontage des fenêtres. » Autre sujet, la recyclabilité des fenêtres avec des collectes effectuées directement chez les menuisiers. « Les fenêtres sont des produits difficilement transportables. Si elles sont ramenées dans les points de négoces, il y a des risques qu’elles arrivent dégradées et qu’elles soient plus difficilement recyclables. Si nous sommes capables de les collecter directement chez l’artisan, elles seront facilement travaillables.»
Plan d’action pour le réemploi
Remi Jabbour, évoquant des points de reprise où aucun produit n’arrive, rappelle l’importance de faire connaître le service même de la REP afin qu’il soit utilisé et qu’il y ait durablement un geste de tri. Le réemploi, enfin, est mis en avant, avec un plan d’action simple : activer la demande de matériau de réemploi et structurer l’offre avant d’organiser la rencontre entre l’offre et la demande. Avec, notamment, une expérimentation auprès de 350 chantiers pour tester l’efficacité de soutiens financiers (diagnostics ressources, AMO d’accompagnement au réemploi, dépose sélective, transport, réemploi) et calibrer pour 2025 des soutiens pérennes.