Emmanuelle Wargon a présenté ce 18 février les arbitrages tant attendus sur la RE 2020. Son application est finalement repoussée au 1er janvier 2022 avec de nouveaux paliers fixés à 2025, 2028 et 2031 et des ajustements globalement salués par les professionnels.

Emmanuelle Wargon a présenté ce 18 février les arbitrages tant attendus sur la RE 2020. Son application est finalement repoussée au 1er janvier 2022 avec de nouveaux paliers fixés à 2025, 2028 et 2031 et des ajustements globalement salués par les professionnels.

La majeure partie des craintes est levée 

Suite à l’avis favorable à la RE 2020 rendu le 26 janvier par le CSCEE, une levée de bouclier avait immédiatement agité les professionnels qui tout en soutenant l’ambition du projet, s’inquiétaient de ses répercussions sur l’avenir des filières, leur capacité à s’adapter en termes de formation et d’investissements industriels, ainsi que sur les surcoûts potentiellement engendrés, et le frein à la construction neuve qu’ils pouvaient générer. Le manque de recul sur la méthode de l’ACV dynamique pour le calcul de l’impact carbone (IC) faisait également débat, de même que la date d’application du texte. Par ailleurs une forte inquiétude sur la mixité des modes constructifs et des matériaux s’était exprimée. Le ministère a donc engagé une concertation dense et relativement rapide au regard des enjeux, avec les grands acteurs du bâtiment notamment ceux signataires du communiqué commun du 26 janvier*. Chacun a pu faire valoir son point de vue pour aboutir aujourd’hui à un consensus. Globalement, leurs attentes ont été entendues et des modulations et garde-fous ont été mis en place pour permettre une mise en œuvre plus réaliste et maîtrisée dans le temps, tout en restant fidèle aux objectifs fixés par les accords de Paris et la Stratégie Nationale Bas Carbone.

Entrée en vigueur au 1er janvier 2022

La date d’entrée en vigueur est finalement arrêtée au 1er janvier 2022 ce qui décale d’autant les différents jalons dorénavant fixés en 2025, 2028 et 2031. Un délai d’environ 6 mois entre la publication des textes et les premiers jalons d’entrée en vigueur de cette réglementation laissera le temps aux professionnels de s’adapter et devrait limiter les effets de blocage des projets redoutés avec la précédente mouture.

Modulations du Bbio et des seuils carbone

Si l’ambition de sobriété énergétique reste intacte avec le maintien d’une exigence de diminution du Bbio de 30% par rapport à la RT 2012, une modulation en fonction de la surface et de la compacité du logement a été décidée pour limiter les surcoûts pour les petites maisons (70 m²) et le petit collectif (500 m² de surface totale). Pour ces deux typologies de logement, l’exigence est abaissée à -20%. Une modulation de certains seuils carbone selon les cas de figure a également été décidée pour pallier certains effets pervers de la précédente version. Ces modulations visent à rééquilibrer et affiner l’approche des réalités concrètes des chantiers et des bâtiments. C’est le cas par exemple pour les projets devant fournir trop de données par défaut pour le calcul de l’impact carbone, situation trop pénalisante dans l’ancienne mouture. La modulation des exigences sur ce point permettra jusqu’en 2024 aux bureaux d’études et aux industriels, de limiter les pénalités dans ce cas de figure et de se préparer à l’échéance suivante. Car cette modulation sera neutralisée en 2025 puis inversée à partir de 2028, où le recours à trop de matériaux ou équipements ne disposant pas de données environnementales sera alors sur-pénalisant. Ajoutée à la progressivité des exigences de seuil IC (Indicateur Carbone), il s’agit clairement d’inciter les industriels à accélérer l’intégration de leurs produits dans la base INIES, via les FDES (de préférence individuelles) et PEP.

Modulations pour le confort d’été

Afin de respecter les exigences carbone dans les zones chaudes tout en gardant un niveau de confort d’été acceptable, des dérogations ont été prévues dans les zones les plus chaudes pour faciliter les modes constructifs les plus adaptés. Dans le même esprit, une modulation de 5 à 10% des exigences de Cep (Consommation d'énergie primaire) et de Cep nr (Consommation d'énergie primaire non-renouvelable) dans les zones chaudes du territoire, doit permettre d’éviter que la pénalisation forfaitaire de l'inconfort d'été ne soit préjudiciable au respect des exigences énergétiques.

Clause de revoyure et création d’un Observatoire des données

Les tensions portant sur la méthode d'évaluation de l'impact carbone dite ACV dynamique (Analyse de Cycle de Vie Dynamique) sont levées sachant qu’une clause de revoyure est acquise, afin d’adapter les exigences des prochaines échéances de 2028 et 2031 en fonction des retours d’expériences. « Cette clause de revoyure donnant la possibilité de revoir les futurs seuils dans les années qui viennent est très importante, et est un peu à l’image de la période expérimentale E+C- qui nous donnait satisfaction. La création d’un Observatoire des données est importante aussi ; tout cela permettra de voir comment les différentes filières évoluent et si ces seuils sont réalistes » a déclaré Jean Passini, Président de la Commission Transition Ecologique de la FFB, invité à intervenir en tant que représentant de l'organisation professionnelle, lors du point presse d’Emmanuelle Wargon.

(Voir notre interview de Jean Passini RE 2020 : « Tout cela ne peut pas se faire dans la précipitation » publiée le 12 février sur notre site).

Diversité des modes constructifs préservée

Des inquiétudes demeurent quant aux surcoûts et à l’adaptation des différentes filières et de l’industrie à cette nouvelle réglementation, notamment en termes d’investissements. Mais la diversité des modes constructifs et la mixité des matériaux est à nouveau garantie sachant que les filières devront progressivement évoluer vers la décarbonation. Les seuils en maison individuelle et en logement collectif ont en effet été légèrement rehaussés pour éviter l’effet pervers de la précédente mouture qui condamnait la mixité des modes constructifs, désormais remise au goût du jour. L’abaissement progressif de ces seuils obligera les filières à monter en compétence en matière de décarbonation, mais dans des délais plus raisonnables ne remettant plus en cause leur existence.

L’ ACV dynamique conservée mais simplifiée

L’ACV dynamique est finalement maintenue, sous une forme simplifiée par rapport à la dernière mouture pour permettre une meilleure utilisation des FDES. Maintenue et semble-t-il acceptée, eu égard aux ajustements réalisés et aux retours d’expérience programmés. Un travail de normalisation réalisé en concertation avec l’ensemble des parties prenantes a d’ailleurs été suggéré. « J’ai proposé que l’on continue à travailler et à approfondir la méthode utilisée au-delà de la mise en œuvre au 1er janvier 2022, pour mettre en place un processus d’appropriation puis de normalisation qui nous permette aussi de peser dans le concert européen, avec une méthode nationale qui pourrait être proposée à nos voisins européens » annonce Emmanuelle Wargon. Vaste programme qui pourrait renforcer la position avant-gardiste de la France en matière de politiques environnementales mises en œuvre en Europe.

Retrouvez notre dossier RE 2020 dans le prochain numéro de Technic'baie

* USH : Union Sociale pour l’Habitat. (Union Sociale pour l’Habitat), FPI (Fédération Promoteurs Immobiliers France), FFB (Fédération Française du Bâtiment) et Pôle Habitat FFB, CAPEB (Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment), UNSFA (Union Nationale des Syndicats Français d’Architectes) UNTEC (Union Nationale des Economistes de la Construction) et Fédération SCOP BTP : Bâtiment et Travaux Publics.